Herbier peint de Rosalie de Constant
Récolter des plantes, les sécher, puis les classer et les étudier lors des soirées d'hiver était coutumier dans la bonne société romande de la fin du XVIIIe siècle. Rosalie de Constant a donc étudié la botanique, collectionné des fleurs et fut fort déçue en voyant celles-ci perdre leurs couleurs. Elle décida donc de les peindre: elles garderaient ainsi leur fraîcheur. La peinture de fleurs faisait d'ailleurs partie des passe-temps élégants que toute jeune fille de bonne éducation devait maîtriser. Mais Rosalie de Constant s'est attelée à cette tâche avec une ferveur et une assiduité exceptionnelles: en trente-sept ans (de 1795 à 1832), elle n'a pas réalisé moins de 1245 aquarelles, avec autant de goût que de rigueur scientifique!
Chaque dessin est accompagné de deux textes. Le premier place la plante dans un système de classification précis; tout d'abord celui de Linné, puis ceux de Jussieu et de Candolle. Le second texte est une description de la plante avec des indications sur son emploi, sur le milieu où elle pousse, sur son époque de floraison.
A la fin du XIXe siècle ou au début du XXe, la collection de Rosalie de Constant a été reliée sur onglet en douze forts volumes, les feuilles pliées en deux. De 1988 à 1992, elle a été restaurée.
Rosalie de Constant (1758-1834)
Rosalie de Constant, descendante de deux familles de renom, évolue au cœur d'une élite intellectuelle genevoise et vaudoise.
C'est une enfant pleine de vie. Un jour, en jouant, elle chute dans la grange de sa maison natale à Saint-Jean, près de Genève, et se fracture l'épaule. Ses parents consultent les meilleurs médecins —ils vont jusqu'à Paris pour voir le célèbre Dr Tronchin—, mais la blessure de la fillette ne guérit pas. Rosalie restera bossue. Cela ne diminuera en rien sa vivacité et, tout au long de sa vie, elle déploiera une activité de tous les instants: elle joue de la mandoline et du clavecin, compose de la musique, écrit des vers, des proverbes et des saynètes jouées lors de réunions gaies et charmantes. C'est aussi une correspondante assidue.
Son père ayant réalisé de mauvaises affaires, la famille se trouve dans une situation précaire. Rosalie est prise en charge par sa «tante» —en fait la cousine germaine de son père—, la baronne de Charrière. Rosalie ne se mariera pas, bien qu'elle ait été demandée au moins deux fois en mariage. Consciente de sa situation précaire et de son physique, mais aussi par goût d'indépendance, elle renonce à chaque fois. En accord avec les normes de son temps, cette aristocrate désargentée conjugue à sa manière les arts d'agrément, dans lesquels les femmes de sa société sont encore très majoritairement confinées, avec son enthousiasme pour des domaines alors encore généralement réservés aux hommes, tels que les sciences. Rosalie choisit la botanique et se met à peindre un herbier.
A la fin de sa vie, Rosalie, sans ressources, retourne à Genève où la famille a gardé une petite propriété. Elle y vivra en compagnie de son frère Charles qui l'aide à parfaire son fameux herbier. Pratiquement ruinés, ils tentent alors de vendre cet herbier. En vain. A son décès, Rosalie lègue celui-ci à son amie Charlotte Grenier qui pouvait en jouir sa vie durant. Cette dernière accepta toutefois de le remettre de son vivant au Musée botanique à Lausanne, à la fin de l'année 1844.